AVERTISSEMENT : La dégustation de longues séries de vins est un exercice délicat. Tout jugement définitif est à exclure. A cause de la saturation des papilles gustatives, le dégustateur, s'il n'y prend pas garde, a tendance à privilégier la puissance au détriment de tous autres paramètres. Lorsque je me trouve dans ce cadre de dégustation, j'évite de passer trop de temps sur l'aspect aromatique, si fluctuant dans le temps, et, il faut bien le dire, proche d'un vin à l'autre quand on déguste des séries de vins issues des mêmes cépages. En revanche, je concentre toute mon attention sur l'équilibre interne du vin, entre l'alcool, les tanins, l'acidité, la "chair". Ce sont, me semble-t'il, au regard du potentiel de vieillissement, et, mieux, d'évolution harmonieuse dans le temps, les éléments non variables qui définissent le mieux la personnalité de chaque vin, au delà de son terroir, de son encépagement, et même de la qualité de sa vinification. Car, quand on gôute des vins 6 mois après la vendange, que goûte t'on sinon, d'abord, la vinification. Le terroir, qui est la vraie, l'unique définition de chaque vin, n'apparaîtra qu'au fil du temps, mis en lumière, de façon plus ou moins réussie, par cette vinfication.
Si 2003 restera dans les mémoires comme le "millésime de la canicule", avec ses vins lourds, chargés en alccol, souvent déséquilibrés, 2005 restera, lui, celui de la sêcheresse. Peu de pluie en effet tout au long du cycle végétatif de la vigne, mais cette sêcheresse avait commencé longtemps avant. Le premier impact est celui des volumes récoltés qui sont faibles, comme en 2002 et 2003. Cela fait 3 millésimes sur les cinq derniers présentant un déficit de récolte. Les stocks disponibles dans les grands vins ne seront donc pas très élevés.
Cette année de sêcheresse nous offre, il faut le dire, un grand millésime, et, chose rare, c'est BON PARTOUT. En effet on se réjouira de trouver de beaux vins blancs secs, mais aussi de grands liquoreux, des vins rouges, parfois extraordinaires, tant sur la rive droite, territoire du merlot, que sur la rive gauche, territoire des cabernets. J'avoue ne pas avoir trouvé de vins très en dessous nulle part, c'est rarissime. Seul, mon goût personnel pour le classicisme bordelais, fait d'élégance, de discrétion, me fait préférer tels vins plutôt que tels autres. Un dégustation de vins plus modestes, Bordeaux Supérieurs, montre que cette réussite est générale, quelles que soient les zones de production.
Pessac-Léognan propose des vins blancs, riches, vifs, parfois avec une belle minéralité, et souvent avec un potentiel de garde important. Les rouges sont généreux, très mûrs, très cachou, avec des tanins généralement extrêment fins, aptes à de bonnes gardes.
Le Médoc voit des réussites également réparties. Sur Margaux il me semble que la zone de Labarde s'en tire remarquablement. Saint-Julien est égal à lui même, c'est à dire grand. Encore une fois, les grands terroirs de graves, associés au cabernet sauvignon, donnent des vins de haut niveau, riches et équilibrés.
Sur Saint-Emilion il me semble que la Côte est particulièrement privilégiée, avec des réussites exceptionnelles: Canon, Pavie, Pavie-Macquin, Clos Fourtet, Troplong-mondot, etc. Mais les autres terroirs sont également très bons. Pomerol connait une réussite générale, avec de nombreux grands vins.
Enfin, il ne faut pas les oublier, ils sont aussi de la légende de Bordeaux, les grands liquoreux sont très réussis, avec des vins bien botrytisés, riches et équilibrés. C'est peut-être inférieur à 2001, qui me semble proposer un grand botrytis sur des raisins moins mûrs, et donc avec une palette aromatique plus fraîche, plus variée, mais on est dans la mouvance d'autres grands millésimes, 1997, 1999.
Devra-ton, pourra-t-on acheter en primeur? Il me semble que ce millésime, plus que d'autres se prêtera à l'achat en primeurs. Petits volumes, grande réputation probable (ou alors je n'ai rien compris au film), la demande, notamment américaine, risque d'être très forte et il sera difficile d'avoir certains vins. Je pense que les prix de sortie seront plus élevés que ceux de l'an dernier, vraisemblablement 25 à 30 %, peut-être plus. Mais ces prix ne nous ramèneraient qu'au niveau de sortie du 2000, il y a cinq ans. Oui, je conclus que ce millésime est à acheter en primeur, du fait des petits volumes et de la demande probable. C'est s'assurer de trouver ces vins ce qui ne sera pas forcément évident, et c'est s'assurer un possibilité intéressante de plus-value, ce n'est pas tous ans le cas, nous le savons. Il faut cependant ajouter que la faiblesse actuelle du dollar par rapport à l'€uro va renchérir considérablement le côut pour les acheteurs américains. Cela freinera un peu, à la marge, leurs achats et limitera légèrement les prix de sortie. A échéance de quelques années, ce millésime sera néanmoins une bonne affaire. Pour simplifier : Si vous n'achetez qu'un millésime en primeur dans votre vie, achetez 2005!!!
Avec ce millésime, Bordeaux, qu'il est si à la mode d'attaquer (vins chers et/ou vins médiocres) peut montrer au monde entier qu'il reste l'étalon de la qualité. Pour ma part, je trouve ces attaques bien injustes, et je me réjouis de cette réponse.